Fin septembre, l’Autorité environnementale (Ae), instance consultative dépendant du Ministère de l’environnement, suite à une sollicitation de la DREAL PACA, a rendu son avis sur le projet autoroutier d’Arles et son étude d’impact. Une démarche classique dans ce type de projet, qui prononce la poursuite administrative du projet et qui préfigure l’enquête publique. Cette dernière devrait débuter mi-novembre. Depuis une trentaine d’année que ce projet est étudié, jamais ces démarches n’étaient allé aussi loin.
Pour l’Ae, le principal enjeu environnemental réside dans la compatibilité d’un projet autoroutier prévoyant des remblais importants, dans le lit majeur du Rhône à l’aval immédiat de nombreuses zones habitées, avec les principes et les règles de prévention des inondations, suite aux inondations de 2003 et dans un contexte d’adaptation au changement climatique. Il est indiqué que le projet risque d’aggraver le risque d’inondation sur plus de 10 000 habitations sur les quartiers de Trinquetaille, Gimeaux ou Barriol.
Si des tronçons de quelques centaines de mètres sur pilotis sont déjà prévus, faut-il que la DREAL envisage d’en faire davantage ? Aura t-on 8 km autoroutier sur pilotis en tête de Camargue et près du pont Van-Gogh ?

L’Ae formule de nombreuses recommandations, soit pour compléter les volets du dossier d’une qualité moindre (composantes oubliées du projet, traduction du changement climatique dans le scénario de référence, déplacements, matériaux, paysage, Natura 2000 notamment), soit pour prévoir des mesures supplémentaires de réduction ou de compensation (artificialisation, biodiversité et zones humides en perspective de la demande d’autorisation environnementale, gaz à effet de serre, développements de l’urbanisation).
Et oui, même après des années d’études, de nombreuses insuffisances ou incohérences sont toujours présentes.
Petite liste non exhaustive des questionnements ou recommandation de l’Ae :
- des mesures compensatoires agricoles et des ouvrages d’assainissements comptabilisés financièrement en mesures compensatoires environnementales, afin de surestimer délibérément le montant de ces dernières;
- alors que le tracé n’a pas vraiment bougé ces dernières années, l’Ae s’étonne que 10 habitats naturels d’intérêt communautaire (Natura 2000) étaient recensés en 2012 contre seulement 7 aujourd’hui, sans explication de cette évolution. Ces derniers représentant 19 ou 22 ha selon les pièces du dossier (!);
- un point de vigilance ressort de l’évaluation des incidences Natura 2000. L’Ae remet en question les critères utilisés pour déterminer les différents niveaux d’incidences retenus. Surtout, le projet est susceptible d’affecter des Zones de conservation spéciale (ZCS), soumises à des procédures d’autorisation communautaire;
- concernant les espèces protégées, les enjeux sont également contestés par l’Ae, qui considère qu’ils ont été évalués à tort comme faibles ou moyens, alors qu’ils devraient être pris en compte de manière plus importante;

- alors que les zones humides sont omniprésentes sur le secteur des 13 km de tracé neuf et à proximité de celui-ci, l’autoroute mettrait à mal de nombreuses connexions et interactions entre ces zones humides, l’Ae recommande de prendre en compte ces interactions;
- page 6, un tableau issu du dossier de la DREAL confirme que l’objectif premier de ce projet autoroutier est de « contribuer à un réseau de transport national et européen fiable, (…), au bénéfice de la connectivité multimodale des pôles économiques régionaux ».
Page 19, l’Ae recommande de « développer significativement la description de l’état initial pour tout les modes de déplacement autres que routiers motorisés, ainsi que les flux de fret et de transport routier de matières dangereuses », car le dossier est tout simplement insuffisant.
Des années que l’État porte ce projet d’autoroute nouvelle, mais que ses services n’osent pas mettre en parallèle la faiblesse du fret ferroviaire. Alors que les voies de chemin de fer longe la route !
L’Ae souligne également « une incohérence générale entre les scénarios présentés et le scénario de référence »;
- l’équilibre entre déblais et remblais apparaît incohérent. Le dossier ne comporte pas d’analyse approfondie de la compatibilité du projet avec les schémas régionaux de carrières, et les besoins en matériaux, notamment en page 27, ne sont pas suffisamment détaillés ni justifiés;
- l’autorité environnementale recommande spécifiquement de reconsidérer les différentes options de réaménagement autoroutier à l’est, ainsi que le nouvel échangeur envisagé en rive gauche et les travaux qu’il pourrait entraîner. Cette critique est importante, car elle remet en question la pertinence du projet tel qu’il est actuellement conçu;
- l’ensemble des bâtiments susceptibles d’être expropriés ou détruits n’est toujours pas répertorié;

- toujours rien sur la phase de travaux. Ils auront un impact très fort sur les déplacements. Les trafics générés par le chantier ne sont pas quantifiés alors que le fort déficit en matériaux devrait nécessiter un nombre important de camions sur certaines voies peu adaptées. Sans oublier les aires de chantier, les routes temporaires, le déplacement de la la RD35,…;
- tout nouveau contournement attire l’urbanisation des futures « dents creuses ». Ici aussi on s’en inquiète. L’Ae recommande d’ailleurs d’affiner l’analyse des incidences indirectes du projet du fait des développements de l’urbanisation qu’il rendra possible, tout particulièrement au voisinage des échangeurs et de l’aire de service, et de proposer des mesures de réduction, le cas échéant de maîtrise de ces développements;
- malgré la procédure de Mise en compatibilité des documents d’urbanisme (MECDU) des communes d’Arles et Saint-Martin-de-Crau il y a quelques mois, l’Ae soulève que le projet présente des incompatibilités avec les documents d’urbanisme locaux. Notamment sur la commune d’Arles, en ce qui concerne les zones agricoles (A) et certaines zones naturelles (Npr), dont les règlements ne permettent pas les affouillements et exhaussement.
Bien que dans son ensemble, le dossier soit jugé de bonne qualité par l’Ae et proportionné à l’étape de la DUP d’un dossier routier, il présente un certain nombre de faiblesses et d’incohérences dans les analyses initiales, soulevant ainsi des problèmes de fond majeurs qui viennent s’ajouter à des questions fondamentales : l’augmentation du risque d’inondation, l’augmentation des émissions de gaz à effet de serre et l’atteinte majeure portée à la biodiversité et aux zones humides.
Si vous souhaitez lire le rapport complet, il est disponible ici