Un autre impact très peu évoqué est la phase de chantier. Comment réaliser des travaux d’élargissement de la RN113 en maintenant la circulation ? Voies provisoires, surlargeurs temporaires, ouvrages de génie civil spécifiques… Il est à prévoir d’énormes difficultés de circulation se répercutant sur l’ensemble du réseau secondaire et urbain pendant de longs mois. Les bouchons des grands weekend ou des chassés-croisés estivaux tant décriés par certains seront le quotidien pendant près de trois ans.
L’accès au chantier ou l’acheminement d’engins sera également très compliqué dans certains secteurs, comme par exemple au niveau du Petit Plan du Bourg où seule la RD35 existe. Les camions passeront-ils par la zone urbaine, devant plusieurs groupes scolaires ? Ou ce sera un énorme détour par Mas-Thibert, et qui en subira alors les conséquences ?
Les travaux qui s’annoncent seront particulièrement pénalisant pour le cadre de vie et la circulation de milliers d’Arlésien.ne.s et de Saint-Martinois.es au quotidien.
Où seront installées les usines à bitumes, si décriées sur les chantiers actuels d’autoroutes et qui produiraient plusieurs centaines de milliers de tonnes d’enrobés pour l’autoroute ? Engendrant son lot de milliers de camions.
Mystère, personne ne veut se mouiller sur le sujet…
Fin septembre, l’Autorité environnementale (Ae), instance consultative dépendant du Ministère de l’environnement, suite à une sollicitation de la DREAL PACA, a rendu son avis sur le projet autoroutier d’Arles et son étude d’impact. Une démarche classique dans ce type de projet, qui prononce la poursuite administrative du projet et qui préfigure l’enquête publique. Cette dernière devrait débuter mi-novembre. Depuis une trentaine d’année que ce projet est étudié, jamais ces démarches n’étaient allé aussi loin.
Pour l’Ae, le principal enjeu environnemental réside dans la compatibilité d’un projet autoroutier prévoyant des remblais importants, dans le lit majeur du Rhône à l’aval immédiat de nombreuses zones habitées, avec les principes et les règles de prévention des inondations, suite aux inondations de 2003 et dans un contexte d’adaptation au changement climatique. Il est indiqué que le projet risque d’aggraver le risque d’inondation sur plus de 10 000 habitations sur les quartiers de Trinquetaille, Gimeaux ou Barriol. Si des tronçons de quelques centaines de mètres sur pilotis sont déjà prévus, faut-il que la DREAL envisage d’en faire davantage ? Aura t-on 8 km autoroutier sur pilotis en tête de Camargue et près du pont Van-Gogh ?
L’Ae formule de nombreuses recommandations, soit pour compléter les volets du dossier d’une qualité moindre (composantes oubliées du projet, traduction du changement climatique dans le scénario de référence, déplacements, matériaux, paysage, Natura 2000 notamment), soit pour prévoir des mesures supplémentaires de réduction ou de compensation (artificialisation, biodiversité et zones humides en perspective de la demande d’autorisation environnementale, gaz à effet de serre, développements de l’urbanisation). Et oui, même après des années d’études, de nombreuses insuffisances ou incohérences sont toujours présentes.
Petite liste non exhaustive des questionnements ou recommandation de l’Ae :
des mesures compensatoires agricoles et des ouvrages d’assainissements comptabilisés financièrement en mesures compensatoires environnementales, afin de surestimer délibérément le montant de ces dernières;
alors que le tracé n’a pas vraiment bougé ces dernières années, l’Ae s’étonne que 10 habitats naturels d’intérêt communautaire (Natura 2000) étaient recensés en 2012 contre seulement 7 aujourd’hui, sans explication de cette évolution. Ces derniers représentant 19 ou 22 ha selon les pièces du dossier (!);
un point de vigilance ressort de l’évaluation des incidences Natura 2000. L’Ae remet en question les critères utilisés pour déterminer les différents niveaux d’incidences retenus. Surtout, le projet est susceptible d’affecter des Zones de conservation spéciale (ZCS), soumises à des procédures d’autorisation communautaire;
concernant les espèces protégées, les enjeux sont également contestés par l’Ae, qui considère qu’ils ont été évalués à tort comme faibles ou moyens, alors qu’ils devraient être pris en compte de manière plus importante;
alors que les zones humides sont omniprésentes sur le secteur des 13 km de tracé neuf et à proximité de celui-ci, l’autoroute mettrait à mal de nombreuses connexions et interactions entre ces zones humides, l’Ae recommande de prendre en compte ces interactions;
page 6, un tableau issu du dossier de la DREAL confirme que l’objectif premier de ce projet autoroutier est de « contribuer à un réseau de transport national et européen fiable, (…), au bénéfice de la connectivité multimodale des pôles économiques régionaux ». Page 19, l’Ae recommande de « développer significativement la description de l’état initial pour tout les modes de déplacement autres que routiers motorisés, ainsi que les flux de fret et de transport routier de matières dangereuses », car le dossier est tout simplement insuffisant. Des années que l’État porte ce projet d’autoroute nouvelle, mais que ses services n’osent pas mettre en parallèle la faiblesse du fret ferroviaire. Alors que les voies de chemin de fer longe la route ! L’Ae souligne également « une incohérence générale entre les scénarios présentés et le scénario de référence »;
l’équilibre entre déblais et remblais apparaît incohérent. Le dossier ne comporte pas d’analyse approfondie de la compatibilité du projet avec les schémas régionaux de carrières, et les besoins en matériaux, notamment en page 27, ne sont pas suffisamment détaillés ni justifiés;
l’autorité environnementale recommande spécifiquement de reconsidérer les différentes options de réaménagement autoroutier à l’est, ainsi que le nouvel échangeur envisagé en rive gauche et les travaux qu’il pourrait entraîner. Cette critique est importante, car elle remet en question la pertinence du projet tel qu’il est actuellement conçu;
l’ensemble des bâtiments susceptibles d’être expropriés ou détruits n’est toujours pas répertorié;
toujours rien sur la phase de travaux. Ils auront un impact très fort sur les déplacements. Les trafics générés par le chantier ne sont pas quantifiés alors que le fort déficit en matériaux devrait nécessiter un nombre important de camions sur certaines voies peu adaptées. Sans oublier les aires de chantier, les routes temporaires, le déplacement de la la RD35,…;
tout nouveau contournement attire l’urbanisation des futures « dents creuses ». Ici aussi on s’en inquiète. L’Ae recommande d’ailleurs d’affiner l’analyse des incidences indirectes du projet du fait des développements de l’urbanisation qu’il rendra possible, tout particulièrement au voisinage des échangeurs et de l’aire de service, et de proposer des mesures de réduction, le cas échéant de maîtrise de ces développements;
malgré la procédure de Mise en compatibilité des documents d’urbanisme (MECDU) des communes d’Arles et Saint-Martin-de-Crau il y a quelques mois, l’Ae soulève que le projet présente des incompatibilités avec les documents d’urbanisme locaux. Notamment sur la commune d’Arles, en ce qui concerne les zones agricoles (A) et certaines zones naturelles (Npr), dont les règlements ne permettent pas les affouillements et exhaussement.
Bien que dans son ensemble, le dossier soit jugé de bonne qualité par l’Ae et proportionné à l’étape de la DUP d’un dossier routier, il présente un certain nombre de faiblesses et d’incohérences dans les analyses initiales, soulevant ainsi des problèmes de fond majeurs qui viennent s’ajouter à des questions fondamentales : l’augmentation du risque d’inondation, l’augmentation des émissions de gaz à effet de serre et l’atteinte majeure portée à la biodiversité et aux zones humides.
Si vous souhaitez lire le rapport complet, il est disponible ici
Les données du projet de contournement autoroutier d’Arles
Le fuseau retenu est celui appelé « Sud Vigueirat »
Le projet prévoit 13 kms en tracé neuf (2×2 voies) et 13 kms de RN113 à réaménager (dont en 2 x 3 voies sur 4 km)
Emprise totale hors travaux : 240 ha
4 échangeurs, 1 aire de service et 1 aire de repos
Un viaduc supplémentaire de franchissement du Rhône de 1,6 km
Coût du projet : estimé à plus d’un milliard d’euros en 2024, sans compter le coût de l’aménagement de la RN113
Enquête publique du 17/11/2025 au 19/12/2025, début des travaux prévus en 2027
Mise en circulation prévue en 2029
Pourquoi le contournement n’est pas la solution :
Pollutions atmosphériques : une partie serait simplement reportée à 2 km et même augmentée suite à la vitesse de 130 km/h autorisée, les habitants riverains de la RN113 ne seraient pas exempts de pollutions. Charte CO2 : seule une diminution du trafic permet une réduction du C02 (objectifs COP 21), or il a été démontré qu’une autoroute participe à l’augmentation des flux routiers ;
Pollution sonore : elle serait pratiquement identique pour les riverains de la RN113, et amplifiée pour les riverains du contournement ;
Report de trafic sur les axes secondaires : la mise en concession payante du contournement va engendrer un important report de circulation sur le réseau départemental, saturant certains secteur (Pont de Crau, Raphèle et Saint-Martin-de-Crau).
Artificialisation des sols : 137 hectares de terres agricoles détruites et goudronnées : céréales, arboriculture, maraîchage, élevage, foin de Crau, vigne, apiculture. Dont 36% en culture biologique. Plus 18ha de délaissés agricoles ;
Hydrologie : le projet aggraverait le risque d’inondation sur plus de 10 000 bâtiments, en créant une barrière supplémentaire pour l’évacuation des eaux en cas de crue. La perte de 40ha de culture irriguée de foin de Crau impacterait l’alimentation de la nappe phréatique de Crau, alimentant près de 270 000 personnes ;
Biodiversité : forts impacts sur la faune et flore, le projet traverse trois sites Natura 2000. Plus de 160 espèces protégées recensées sur le tracé ;
Paysages et voies vertes : difficultés de promenades au Sud d’Arles, notamment la Via Rhôna qui longerait l’autoroute sur plusieurs kilomètres, ainsi que des paysages défigurés par la hauteur de l’autoroute (remblais jusqu’à 12m de haut) ;
Économie locale : l’impact du contournement ne sera pas forcément positif comme projeté. En effet, comment imaginer que déplacer un flux de transit, donc des véhicules ne faisant que passer, aura un impact positif sur l’économie locale ? De plus, ce contournement ne changera en rien les liaisons existantes entre les zones industrielles ou d’activités et les accès autoroutiers. Mais il détruira des emplois agricoles.
En juin 2024, 71 070 véhicules/jour dont 15% de poids-lourds sont recensés sur la RN113 en franchissement du Rhône.
Le flux du trafic présente une forte variabilité horaire et saisonnière Les congestions sont principalement causées par les véhicules légers, dont environ 60% sont issus du trafic local.
Lors de la concertation publique de 2020, les chiffres de trafic de 2018 évoquaient un trafic global de 75 800 veh/jour dont 9% de PL. On constate une diminution des déplacements en véhicules légers mais une augmentation du transport de marchandises.
Projection du report de flux vers le contournement autoroutier
Ce flux de transit représente aujourd’hui 40000 véhicules, soit « seulement » 58% du trafic global.
Le modèle qui a servi pour établir les perspectives de circulation prévoit une augmentation régulière du trafic, avec +0,4 % par an pour les poids lourds. Or entre les chiffres de 2018 et de 2024, on constate une diminution des déplacements en véhicules légers mais une augmentation du transport de marchandises. Il faut signaler que le développement commun du Grand Port Maritime de Marseille et des zones logistiques sur le territoire entraînera toujours un important flux de camions sur l’axe actuel.
Conséquences sur trafic du réseau secondaire
Initialement annoncée gratuite, l’autoroute sera finalement payante ! Quatre portiques de péages sont prévus : à l’ouest au début du contournement, à l’échangeur rive droite (Trinquetaille), à l’échangeur de la RN568 (route de Fos) et à Saint-Martin-de-Crau. Ceci entraînera un phénomène de report de trafic sur certains réseaux secondaires déjà saturés ou mal adaptés, en particulier sur la D453 entre Pont-de-Crau et Saint-Martin-de-Crau. A noter également un accroissement significatif du trafic sur la partie urbaine de la RD35, à proximité immédiate de plusieurs groupes scolaires.
Requalification de la RN113
Tout projet de contournement autoroutier est accompagné du traditionnel projet de requalification en boulevard urbain de l’ancien axe. Mis en avant par de beaux dessins et maquettes, ce projet fait miroiter la transformation d’un axe routier en coulée verte où il fait bon flâner avec ses enfants. Mais selon les prévisions de la DREAL lors de la concertation publique de 2020, 29 600 véhicules dont 900 poids-lourds continueront à emprunter quotidiennement l’axe actuel, pour du trafic local. Devant un tel trafic résiduel, la ville d’Arles et la DREAL ont fait le choix de rendre peu accueillant à la circulation l’axe actuel afin de renvoyer sur la future autoroute une partie du trafic local. Ce qui revient à remplacer une 2*2 voie gratuite congestionnée aux heures de pointe par une 2*2 voie payante congestionnée aux heures de pointe.
Cela n’étant pas dans les prérogatives de l’État, cette requalification reposera financièrementsur les collectivités locales. Nous sommes dès lors en droit de s’interroger sur la pertinence de l’objectif initial de l’amélioration du cadre de vie des Arlésien.ne.s.
Pollution et gaz à effets de serre
L’État s’est engagé sur plusieurs accords internationaux concernant les réductions de la pollution de l’air et des gaz à effets de serre (GES). L’objectif national est de réduire les émissions de GES de 40% en 2030 par rapport aux émissions de 1990. Nous sommes actuellement très en retard sur cet objectif. Les oxydes d’azotes, principaux polluants atmosphériques et dont l’origine est pour 55% dus aux transports routiers, sont particulièrement visés. Ce projet va complètement à l’encontre des engagements de l’Etat en la matière.
Avec ce contournement, la pollution de l’air globale ne sera pas réduite. En 2028 les trafics cumulés du contournement et de l’axe actuel seront assez similaires à celui du trafic actuel. Déplacer une partie du trafic et de ses nuisances à seulement 2km plus au sud ne réduit pas le trafic global.
La dernière étude d’AtmoSud sur l’ensemble de la ville (voir ici) mesurant notamment le dioxyde d’azote (NO2), traceur principal de la pollution liée au trafic routier, date de 2019. Cette étude conclue que « les concentrations les plus importantes ont été observées au niveau du centre-ville d’Arles et non pas en proximité de la N113 ». Le boulevard Gambetta, le boulevard Emile Combes, l’avenue Leclerc ou encore le rond-point de Pont-de-Crau présentent des concentrations plus élevées qu’aux abords de la RN113. Pour réduire la pollution en ville, il est nécessaire de promouvoir une réelle politique de mobilité locale qui favorise les transports collectifs et les mobilités douce.
Si les prévisions prévoient des améliorations à proximité immédiate vers le Vittier et Saint-Genest, d’autres secteurs seront plus exposés aux pollutions comme Raphèle, Balarin ou Saint-Martin-de-Crau, sans oublier les futurs riverains ruraux du contournement.
Il est à noté que les transports routiers sont responsables de 51% des émissions de NOX sur le territoire de l’agglomération arlésienne (source AtmoSud).
Biodiversité
Comment s’imaginer que la construction d’une autoroute aux portes de la Camargue et de la Crau ne fera pas d’énormes dégâts sur la biodiversité ? Sur un territoire surnommé le « triangle d’or de la biodiversité », le tracé retenu passe à quelques centaines de mètres à peine duParc Naturel Régional de Camargue. Trois sites Natura 2000 seront traversés par le projet (Camargue, Rhône Aval et Crau). D’autres dispositifs de protection ou label environnementaux, ZNIEFF, ZICO, Réserve de Biosphère, sont traversés par la bande d’enquête publique, ZNIEFF, ZICO, Réserve de Biosphère, qualifiant des secteurs de grand intérêt écologiques nationaux. Ce contournement coupera de nombreux corridors écologiques, connexions indispensables pour la faune, reliant entre eux différents habitats vitaux pour les espèces.
Sur le tracé, sont recensés : 🦩 Plus de 140 espèces d’oiseaux 🐸 11 espèces d’amphibiens 🦎 12 espèces de reptiles 🦫 41 espèces de mammifères 🦇 dont 21 espèces de chauves-souris 🌿 plus de 450 espèces de plantes
Plus de 160 espèces protégées recensées sur le tracé !
Enfin quels impacts sur les laurons, ces puits naturels d’où jaillit l’eau de la nappe souterraine et qui en font des milieux quasi unique en Méditerranée ? De nombreux laurons recensés seront directement touchés par ce projet.
Agriculture et ressources en eau
Plus de 150 hectares de terres agricoles diversifiées vont être détruites par ce projet : céréales, maraîchage, arboriculture, élevage extensif, prairies, vigne, apiculture,… dont 36% en culture biologique, bien plus que la moyenne nationale (10%). Là aussi des labels accompagnent certaines cultures : IGP riz de Camargue, AOP Taureaux de Camargue, IGP viticole Bouches du Rhône – Terre de Camargue et AOP pour le foin de Crau, seul aliment pour animaux à obtenir un tel label de qualité. Cette diversité de culture participe à la résilience alimentaire du territoire. 41 exploitations agricoles sont touchées par le projet. Le total des emplois directs des exploitations concernées représente 206 équivalents temps plein, soit 9% des emplois agricoles sur les deux communes d’Arles et Saint Martin de Crau.. Sans avoir questionné tous les responsables de ces entreprises agricoles, la DREAL estime que le projet remet en cause à minima la survie de 6 d’entre elles. Pour un projet sensé favoriser l’économie locale c’est un comble !
En Crau humide ces cultures sont notamment rendues possible par un vaste réseau hydraulique qui alimente parcelle par parcelle les différentes prairies. Compte tenu de la complexité des canaux et de la nécessité d’entretien des ouvrages ce projet va dégrader un système agricole extrêmement fragile et bâtit au fil des siècles. La nappe phréatique de Crau est intimement liée aux pratiques agricoles car alimentée à 70% par les canaux d’irrigation des prairies de Crau. D’Arles à Istres, près de 270 000 personnes sont alimentées en eau potable via cette nappe phréatique. Alors que l’eau est déjà un enjeu majeur sur le territoire, faire peser une menace supplémentaire sur cette nappe est un non sens.
Paysages et habitabilité
De nombreuses entités paysagères seront traversées par cette autoroute : haute Camargue, bocages périurbains de Gimeaux, Grand Rhône, Petit Plan du Bourg, Grand Plan du Bourg, terres agricoles de la Draille marseillaise, Crau des marais et des étangs, et enfin Coussouls de Crau. Ce dernier étant un milieu unique et non compensable. Une partie du tracé, vers la Draille marseillaise, sera sur un remblai allant jusqu’à 12m de hauteur, dans un environnement plat et au milieu des mas classés. De nombreuses habitations seront rasées et leurs occupants expropriés, que ce soit vers Gimeaux, le Plan-du-Bourg ou la Draille marseillaise, bouleversant ainsi de nombreuses vies.
Pour rappel, parmi les sept variantes initiales du projet, la seule qualifiée de très bonne pour le cadre de vie était la solution sous-fluviale longue, laquelle répondait favorablement à toutes les fonctions et objectifs sauf le coût, ce qui lui a valu d’être balayée d’un revers de main. Les questions environnementales et de pollutions n’ont pas la chance d’être réglée à coup de « quoi qu’il en coûte ».
En ce début d’année 2024, pas de pause dans la continuité de nos luttes.
Le projet d’autoroute au sud d’Arles est entré dans une nouvelle phase avec une consultation publique afin d’évaluer la Mise en Compatibilité des Documents d’Urbanisme (MECDU) à ce projet. Autrement dit, ce n’est pas l’autoroute qui se rend compatible avec le territoire, c’est le territoire qui doit se rendre compatible pour l’autoroute. Le MECDU est une procédure d’urgence pour permettre aux communes de réviser leur Plan Local d’Urbanisme (PLU) rapidement dans le cas où un projet de développement serait freiné par ce même PLU. Pour cela, les deux communes concernées par l’autoroute (Arles et Saint-Martin-de-Crau), lancent une procédure de consultation entre le 5 décembre 2023 et le 16 janvier 2024 afin de recueillir les avis de la population, non pas sur le projet global (il ne s’agit pas – encore – de l’Enquête d’Utilité Publique concernant le projet lui-même) mais sur les dispositions techniques permettant cette mise en compatibilité des documents urbanistiques.
Nous vous invitons fortement à participer à cette consultation et à marquer votre opposition à cette mise en compatibilité des documents d’urbanisme. Afin de vous aider dans l’élaboration d’une réponse, nous avons étudié le dossier et en avons tiré plusieurs points à mettre en avant (parfois assez techniques). Pour éviter les copier/coller, nous vous suggérons de réécrire quelque peu les différents points soulevés ou de ne choisir que certains d’entre eux pour votre contribution, même si tous les points méritent d’être soulevés. Pour vous aider, voici les significations des divers acronymes utilisés dans les documents officiels : AOC = Appellation d’origine contrôlée AOP = Appellation d’origine protégée DREAL = Direction régionale de l’Environnement, de l’Aménagement et du Logement DTA = Directive Territoriale d’Aménagement IGP = Indication géographique protégée MECDU = Mise en Compatibilité des Documents d’Urbanisme PADD = Projet d’Aménagement et de Développement Durables PLU = Plan Local d’Urbanisme SCOT = Schéma de Cohérence Territoriale SRADDET = Schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires
Les points à mettre en avant :
Le Projet d’Aménagement et de Développement Durables (PADD) inclus dans le PLU d’Arles mentionne que « la préservation des paysages et des activités agricoles de Camargue et de Crau s’affiche comme l’un des objectifs majeurs du PLU. Ceci au regard du rôle essentiel qu’ils jouent dans l’identité paysagère du territoire, la construction de la trame verte et bleue, la régulation face aux risques d’inondation, de submersion marine et de ruissellement pluvial, la régulation des émissions de gaz à effet de serre (…) ». Les modifications demandées par le projet autoroutier pour mettre en compatibilité le PLU vont totalement à l’encontre des objectifs inscrits dans le PADD.
Destruction d’alignements d’arbres et de continuités végétales considérés comme à préserver par le PLU. Plus de 3,7km de haies détruites.
Argument très flou pour les zonages 1AUE et UP : « Le projet d’infrastructure n’est pas implicitement autorisé mais n’est pas non plus interdit. Tout ce qui n’est pas interdit est autorisé. »
Ce n’est pas un changement d’usage des parcelles mais une modification du règlement de certains zonages, sans limite spatiale. Les modifications apportées seraient ainsi applicables à toutes les parcelles agricoles (A) ou naturelle selon la loi littorale (Npr) de la commune au nom du « projet de contournement autoroutier ». On peut imaginer toute sorte d’infrastructures liées à ce projet, des usines à bitumes, des bretelles supplémentaires, des aires d’autoroute etc…
Le dossier présenté apparaît contraire aux objectifs du Schéma de Cohérence Territoriale (SCOT) notamment à son Projet d’Aménagement et de développement durable (PADD du SCOT). Il a été éludé des pans entiers de ces documents de planification pour n’en retenir que les éléments qui pouvaient être compatibles avec ce projet destructeur, alors que de nombreux objectifs ciblés du SCOT sont en faveur de pérenniser le foncier agricole et de le protéger pour les générations à venir, celui-ci n’étant pas une ressource renouvelable. Or la DREAL PACA estime l’emprise du projet plus les délaissés agricoles à plus de 150ha de terres agricoles. Ce qui va totalement à l’encontre des objectifs du SCOT.
L’analyse de la Directive Territoriale d’Aménagement semble plus porter sur le rayonnement économique du Grand Port Maritime de Marseille qu’autre chose. Il est navrant de lire dans cette très succincte analyse que le projet permettrait de « concourir au développement du potentiel logistique multi modal (fluvio-maritime, rail, route), du site Arles-Tarascon-Beaucaire. » Comment est-ce possible de ne retenir que ça d’un document mentionnant à plusieurs reprise les objectifs de maintien et de préservation des terres agricoles et naturelles ? La DTA prévoit de conserver le potentiel agricole actuel de production et par conséquent la surface agricole utile, de garantir le maintien et le développement des activités agricoles dans les espaces agricoles de production spécialisée, en particulier pour les espaces soumis à la pression de l’urbanisation et au développement touristique. Donc le projet est incompatible avec les objectifs de la DTA.
L’analyse du SRADDET fait totalement l’impasse sur les enjeux environnementaux et agricoles établis par ce document régional. Ce dernier fixe de « diminuer de 50 % le rythme de la consommation d’espaces agricoles, naturels et forestiers sur le territoire régional à l’horizon 2030 ». Il a également pour objectif de privilégier en priorité la préservation des espaces agricoles, notamment les espaces irrigués et/ou à forte valeur agronomique, comme les terres arables de Camargue et les terres de la Crau humide, toutes deux fortement impactées par le projet autoroutier. Donc le projet n’est pas compatible avec le SRADDET.
Aucune mention faite des périmètres AOC/AOP pour le foin de Crau, ni pour l’IGP Camargue.
Les visuels en image de synthèse présentés dans la consultation sont très trompeurs. Les remblais dans le secteur de la draille marseillaise sont prévus jusqu’à 12m de hauteur (!), ce qui n’apparait pas du tout dans les images présentées.
Comment s’imaginer que les ripisylves du Rhône ne seraient pas impactées, que le viaduc leur passera dessus sans dommages ? La phase de travaux notamment détruira ces milieux.
Les zones de compensation ne sont pas identifiées alors que pour qu’il y ait additionnalité des zones de compensation, il faut que des friches ou des zones urbanisées retournent à un zonage agricole ou naturel.
On note une incohérence dans les superficies agricoles affectées par le projet. Fin 2022, la DREAL PACA parlait de 137 ha de terres agricoles, plus 18 ha de délaissés agricoles à cause de la fragmentation et la coupure des accès. Soit 155 ha. Or page 26 du dossier MECDU, il est fait mention de 120 ha, alors que rien n’a changé dans l’emprise du projet.
Au niveau de la commune de Saint-Martin-de-Crau, l’aire de service prévue à hauteur de la gare de péage est inutile. L’aire de Lançon de Provence est située à environ 56 km de la future zone située à Saint-Martin-de-Crau. Celle d’après, en allant sur Arles, l’aire des Cantarelles est située à une distance de 69 km de celle de Lançon-de-Provence. Cette distance entre deux aires de services peut être considérée comme très raisonnable.
L’aire de services prévue à Saint-Martin-de-Crau va consommer encore 20 ha de terres fertiles. La ville a connu un urbanisation effrénée ces dernières années. Il faut stopper le bétonnage des terres agricoles pour assurer notre souveraineté alimentaire.
Le projet de barreau routier de la déchetterie va créer des remblais en zone d’expansion des eaux de ruissèlement. Les habitants des quartiers proches vont donc être soumis à des risques inondations accrus. C’est une aberration quant on sait que la commune a déja connu 3 inondations qui ont fait l’objet d’arrêtés de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle.
La concertation arrive dans un moment de désorganisation complète du fonctionnement de la Mairie de Saint-Martin-de-Crau. Le Maire ne peut plus gérer la commune actuellement. Comment peut-il garantir avec efficacité la tenue d’une concertation d’une telle importance et assurer à la population la bonne prise en compte des décisions d’urbanisme ? Il faut annuler cette concertation !
En parallèle de la concertation menée par la DREAL, Changeons d’Avenir a mis en place son alter-concertation, en organisant quatre conférences-débats en décembre 2020 et janvier 2021.
Pourquoi une alter-concertation ?
Parce que la concertation menée par l’État ne posait pas toutes les questions : Faut-il une autoroute ? Quelles conséquences pour la biodiversité et les terres agricoles ? Quelle amélioration de la qualité de l’air ? Quelle compatibilité avec les engagements climatiques ?
Parce que ce contournement, c’est un projet de société à débattre : veut-on vraiment davantage de camions ? Davantage de logistique ? Davantage de vitesse ? Davantage de béton ?
Parce qu’une concertation en pleine pandémie pendant les fêtes de fin d’année, sur un projet structurant pour le territoire qui marine depuis 30 ans et qui a été abandonné plusieurs fois, c’est une insulte faite à la démocratie participative.